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Film streaming Au coeur du mensonge bonne qualite

« Au cœur du mensonge »

Dimanche 19 janvier à 20 h 50 sur D8. Une brillante réflexion sur l’inexistence de la vérité.

Le Monde | 17.01.2014 à 15h03 • Mis à jour le 17.01.2014 à 15h42 | Par Jean-François Rauger

Réalisé en 1999, Au cœur du mensonge succède à Rien ne va plus. A l’apparente légèreté du film, avec Isabelle Huppert et Michel Serrault, ce nouveau titre oppose une immersion dans des eaux sombres, parfois opaques. C’est apparemment un récit criminel, imaginé par Claude Chabrol lui-même et sa fidèle scénariste, Odile Barski.

C’est aussi, et la presse n’a pas manqué de le souligner à sa sortie, une plongée au cœur de la province française, une province pleine de médiocres secrets refoulés. C’est surtout une méditation sur le mensonge et le couple, une nouvelle variation, pour l’auteur de Que la bête meure. sur quelques idées fondamentales, une vision d’une subtilité peu commune, cachée derrière les apparences d’une enquête policière.

Le viol et l’assassinat d’une fillette bouleversent la quiétude d’une petite ville de Bretagne. René Sterne (Jacques Gamblin), le professeur de dessin de la gamine, artiste solitaire et taciturne, est vaguement soupçonné du meurtre. La femme de celui-ci (Sandrine Bonnaire), qui exerce la profession d’infirmière, est tentée par l’adultère avec un journaliste parisien, sorte de petit marquis des lettres, narcissique et creux (Antoine de Caunes).

UNE MENACE INCESSANTE

L’idée de rétention, qui est au centre du cinéma du cinéaste, est ici constamment présente, comme un principe souterrain et inquiétant. Retenir ses affects, ses sentiments et surtout ses pulsions engendre une menace incessante, celle du passage à l’acte symbolisé par le crime atroce qui inaugure le récit. En méditant sur le mensonge, Chabrol entreprend à nouveau de révéler les mondes imaginaires, les illusions qui déterminent le comportement de ses personnages. Le bovarysme (rappelons justement que Chabrol a adapté Madame Bovary. de Gustave Flaubert) est une constante dans l’œuvre de l’auteur de La Femme infidèle (1969) et s’incarne dans les tentations de la jeune femme qu’interprète Sandrine Bonnaire.

Mais le caractère le plus fascinant est celui de René Sterne, un des personnages les plus opaques et les plus mystérieux de l’œuvre chabrolienne, échappant à toutes les déterminations psychologiques traditionnelles, mais visiblement guidé par une éthique intransigeante. Il est celui qui entrevoit, de façon quasi divinatoire, l’univers parallèle et irréel fait des aspirations et des rêves de ses contemporains.

Entre autres mérites, Au cœur du mensonge pourrait être la synthèse de ce qui a fait les plus beaux films de Claude Chabrol. Comme si cette réalisation du cinéaste renouait avec l’essence même d’un univers singulier et d’un regard unique dans le cinéma français. Et, une fois de plus, alors qu’il semble relever du réalisme sociologique – voire anthropologique – le plus strict, ce film-là s’ouvre sur une dimension fantastique inouïe.

Claude Chabrol - (France. 1999, 113 minutes). Avec Jacques Gamblin, Sandrine Bonnaire, Antoine de Caunes.